leurs taxes foncières ?
Impôts locaux. Représentant une des sources principales du financement des collectivités locales, les taxes foncières ont vu leurs taux d’imposition fortement relevés entre 2005 et 2010. Une tendance qui n’est pas prête de s’inverser.
Etre propriétaire immobilier va devenir un véritable luxe. Au vu de la cinquième édition de l’observatoire sur les propriétés bâties de l’Unpi (Union nationale de la propriété immobilière), on peut légitimement se demander qui pourra payer sa taxe foncière dans un proche avenir. D’après l’étude, la taxe foncière pèse de plus en plus sur les épaules des propriétaires dans les 36.000 communes de France. En cinq ans, entre 2005 et 2010, l’addition accuse une hausse sidérante : les cotisations totales de taxe foncière ont grimpé de près de 22 % en moyenne ! Soit presque trois fois plus vite que l’inflation dans le même temps.
Emergence de propriétaires pauvres
Déjà, s’alarme la Fédération des promoteurs immobiliers dans un récent manifeste sur le logement, « près d’un quart du budget des ménages est aujourd’hui consacré au logement, ce qui est beaucoup trop ! » L’aggravation de la fiscalité locale est d’autant plus dramatique pour les propriétaires les plus modestes. Si l’on parle actuellement de « travailleurs pauvres », la notion de « propriétaires pauvres » est en train d’émerger. Avec des montants de retraite aux environs de 1.100 à 1.200 € par mois et une taxe foncière qui peut aller jusqu’à deux ou trois mois de retraite, auront-ils encore la capacité à rester propriétaire de leur logement ?
Face à l’impôt local, tous les Français propriétaires ne sont pas logés à la même enseigne. Sur cinq ans, l’observatoire révèle d’importants écarts de taxation entre les communes (voir tableau ci-dessous). En raison d’une hausse des taux bien supérieure à la moyenne, la situation est inquiétante dans certaines grandes villes comme Rennes, Saint-Denis, Argenteuil et Metz. Paris essuie la plus forte progression (+ 72 %), car elle a mis en place, en 2009, une taxe foncière départementale qui n’existait pas auparavant. La capitale reste toutefois à un niveau de taxation encore faible (12,9 % en 2010), de même que Courbevoie (11 %). Ces deux villes tirent parti de l’implantation de nombreuses entreprises, ce qui permet d’alléger la facture pour les propriétaires qui y résident.
Un frein supplémentaire aux investissements
A l’inverse, il ne fait pas bon être propriétaire à Grenoble, qui affiche la cotisation de taxe foncière la plus importante en 2010 à 52 % ! Nous avons relevé dans cette ville quelques exemples édifiants. Il faut débourser 1.320 € de taxe foncière pour une maison de six pièces, 804 € pour un appartement de 67 m², 703 €, pour 55 m², et pas moins de 590 € pour un simple studio ! Dès lors, pour calculer le vrai rendement d’un investissement locatif, il est plus que jamais impératif d’évaluer tous les éléments susceptibles d’éroder le loyer perçu comme les frais de gestion, les charges de copropriété et… un impôt foncier « galopant ».
L’enquête de l’Unpi s’appuie sur des données fournies par la direction générale des impôts. Elle prend en compte à la fois la hausse des taux d’imposition votée par les collectivités et la revalorisation chaque année des bases d’imposition par l’Etat, censée tenir compte de la hausse des loyers. Ces dernières ont été majorées de plus de 9 % en cinq ans, dont + 1,2 % en 2010. De leur côté, les régions et les départements, avec une hausse de plus de 28 % en cinq ans, ont eu la main plus lourde que l’Etat et que les communes qui, elles, ont appliqué en moyenne une augmentation de près de 19 %. Pour la seule année 2010, la somme de tous les taux d’imposition de taxe foncière s’élève, en moyenne, à plus de 33 % de la base d’imposition.
Epée de Damoclès
Cet alourdissement démesuré de la fiscalité locale ne devrait pas s’arrêter là, car les communes et les départements ont de plus en plus de charges et de moins en moins de recettes. Les dotations aux collectivités territoriales sont réduites, voire gelées par l’Etat. Il leur reste, pour équilibrer leurs budgets, le levier de l’emprunt ou des taxes sur le foncier bâti. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, l’Etat prévoit d’accroître sa pression fiscale de 1,8 %, soit un peu plus que l’inflation. Dans ce contexte, le serpent de mer de la réforme des valeurs locatives [pour les rapprocher des valeurs réelles auxquelles on peut louer le bien immobilier], à nouveau à l’ordre du jour, fait figure d’épée de Damoclès. Dans une ville comme Grenoble, si l’on devait calquer aujourd’hui la valeur locative d’un bien sur sa valeur de marché, un propriétaire devrait verser jusqu’à six mois de loyer pour régler sa taxe foncière. Face au collier étrangleur de la fiscalité locale pour les propriétaires, il est urgent d’agir pour encadrer plus strictement la surenchère des élus dans ce domaine.
Comment est fixé votre impôt foncier
Les taxes foncières sont des impôts directs perçus au profit des collectivités locales, qui votent chaque année les taux des impôts locaux de façon à équilibrer leur budget. A compter de 2011, la part régionale de taxe foncière sur le bâti a été transférée aux départements. Celle départementale a bondi ces dernières années en raison du transfert de charges sociales par l’Etat, qui opère aussi des prélèvements sur ces impôts. En 2011 également, l’Etat baisse ses frais de gestion de 8 % à 3,6 %. Mais vous ne bénéficierez pas de cette économie qui va dans la poche des départements.
La taxe foncière est calculée en multipliant la base d’imposition, qui figure sur votre avis d’imposition, par les taux fixés par les collectivités locales. Cette base est égale à la moitié de la valeur locative cadastrale du bien, afin de tenir compte notamment des frais de gestion, d’entretien et de réparation. Cette valeur locative correspond au loyer théorique de la propriété. Le détail de son calcul complexe - qui repose sur plusieurs critères liés notamment à la qualité, la date de construction du logement et à sa surface - peut être demandé par le propriétaire ou l’occupant du logement au centre des impôts ad hoc et peut aussi faire l’objet d’une réclamation.
Depuis 1980, les valeurs locatives sont revalorisées chaque année pour tenir compte de l’évolution des loyers.
Trois questions à Jean Perrin, président de l'Unpi
« Un à trois mois de loyer perdus »
Comment l’impôt foncier évolue-t-il ?
Notre observatoire des taxes foncières, qui porte sur plus de 36.000 communes, montre des dérives inquiétantes entre 2005 et 2010. Cet impôt local touche environ 18 millions de
contribuables et rapporte plus de 20 milliards d’euros de recette.
Quelles en sont les conséquences ?
L’augmentation de la taxe foncière tend à représenter, pour les propriétaires bailleurs, l’équivalent d’un mois à trois mois de loyers. Le pouvoir d’achat des propriétaires est sérieusement
écorné en raison de l’alourdissement de la fiscalité et de la hausse des charges de copropriété. Ni la faible progression des loyers, ni celle des salaires et des retraites n’arrivent à
compenser cette évolution. On peut parler d’effet ciseaux. Je pronostique un accroissement des ventes en viager.
Que préconisez-vous ?
Nous appelons les élus à la modération, en limitant la progression des taxes foncières à la revalorisation annuelle des bases d’imposition. Le développement des constructions nouvelles
permettrait aussi d’accroître le produit de la taxe. La réforme des valeurs locatives n’est, par ailleurs, envisageable que si les taux d’imposition de taxe foncière sont abaissés.