Depuis quelques semaines c’est le leitmotiv général : « la ville d’Argenteuil va être mise sous tutelle » !
Vrai ou faux ? Un proche avenir nous l’apprendra, la chambre régionale des comptes (CRC) doit rendre son rapport d’un jour à l’autre et le préfet a annoncé qu’il suivrait à la lettre ses recommandations.
Comme tout à chacun doit bien s’en douter, l’exécution du budget municipal est extrêmement contrainte : si l’ordonnateur des dépenses et des recettes est le maire, chaque action est contrôlée par le receveur municipal qui, comme son nom ne l’indique pas, ne dépend pas de la mairie, mais du Ministère du Budget et des Comptes publics, c’est-à-dire de l’État. De plus, chaque année, le Trésorier payeur général (les fonds municipaux sont obligatoirement déposés au Trésor), qui est tout à la fois le supérieur hiérarchique du receveur municipal et l’interlocuteur direct du Ministère auprès du Préfet et des collectivités locales, rend un rapport sur l’administration financière de la ville.
Dans quelles circonstances, dès lors, une ville peut-elle être placée sous tutelle préfectorale? L’article L1612-14 du code général des collectivités territoriales nous apprend d’abord qu’il s’agit d’une procédure liée à l’exécution du budget municipal: lors de l’examen des comptes administratifs (qui permettent de vérifier l’exécution du budget), il peut arriver que l’on constate des décalages entre le budget tel qu’il a été voté (le « budget primitif ») et le budget tel qu’il a été exécuté (le « compte administratif ») . Ceci n’est pas anormal, le budget n’étant jamais que prévisionnel, mais les fluctuations ne sont admises que dans une certaine mesure. Précisons avec le code :
Première étape donc, l’examen de l’exécution du budget d’une année N révèle un important déficit (supérieur ou égal à 5%) des recettes de la section de fonctionnement. Le représentant de l’Etat, c’est-à-dire le Préfet, qui assure le contrôle de légalité des actes municipaux, doit alors saisir la Chambre régionale des Comptes, dont la mission est de proposer au maire un plan pour revenir à l’équilibre budgétaire.
Que se passe-t-il ensuite? Le conseil municipal doit préparer le budget primitif de l’année N + 1, en tenant compte des recommandations de la Chambre régionale des Comptes. Vigilant, le Préfet transmet à cette dernière une copie de ce budget. Et là, de deux choses l’une, comme le précise le même article L1612-14 du Code : soit le conseil municipal a tenu compte des recommandations de la Chambre régionale des Comptes, et tout va bien, soit il n’en a pas tenu compte, ou pas assez, ou encore il a été en incapacité de les réaliser et alors s’enclenche le processus de Mise sous tutelle préfectorale : la Chambre régionale des Comptes préconise au Préfet d’appliquer ses recommandations pour régler et rendre exécutoire le budget de la commune concernée.
C’est pourquoi on parle de mise sous tutelle, puisque l’exécution du budget n’est plus du ressort du maire, mais du Préfet.
Ceci étant posé, qu’en est-il à Argenteuil ?
On peut constater que le processus de mise sous tutelle préfectorale est un dispositif lourd, grave et relativement exceptionnel surtout dans le cas de grandes villes.
De notre mémoire d’argenteuillais, bien qu’il y ait des alertes dans le passé, la mise sous tutelle a toujours été évitée, et se sont les contribuables qui en ont fait les frais.
Cependant la situation qui a toujours été difficile dans notre ville est cette fois ci catastrophique. Jamais un tel niveau d’endettement n’avait été atteint, jamais une telle dérive n’avait été constatée.
Et face à ces dépenses, dont nous avons maintes fois contestées l'opportunité pour ne pas dire la légitimité dans ces pages, nous avons eu un accroissement sans précédent de la pression fiscale, par le jeu de l’augmentation des bases et des taux et tout dernièrement par la suppression de l’abattement à la base pour le plus grand nombre des contribuables argenteuillais.
Les folles dépenses passées de fonctionnement et d’investissement, reportées d’années en années, conduisent aujourd’hui, en 2014, la ville à un besoin de l’ordre de 28 millions d’euros pour faire face à ses engagements.
La probabilité de trouver cette somme semble à ce jour proche du zéro absolu. Le risque de mise sous tutelle est donc tout à fait avéré. Hélas !