Collectivités et emprunts « toxiques » : à qui la faute ?
Que s'est-il passé concernant le financement des collectivités locales ?
Au-delà des idées reçues, il est important d'apporter quelques explications de fond sur ce sujet.
Premièrement , sur le plan juridique, l'autonomie des collectivités locales est un principe fondamental sur lequel le législateur n'est pas revenu et qui autorise donc les élus et leurs services à opérer librement des opérations de refinancement à taux fixe ou à taux variable.
Dans ce dernier cas, la composition de taux variable peut s'avérer complexe voire difficile à appréhender et c'est alors qu'une relation de confiance entre la collectivité et son banquier doit s'instaurer pour éviter les abus qui pourraient survenir dans le partage de la rentabilité des opérations bancaires.
Si la banque doit être rémunérée pour sa prise de risques, elle ne peut en aucun cas dégager des marges disproportionnées sur les collectivités locales qui inévitablement le paieraient et devraient le répercuter sur les contribuables.
Deuxièmement, un « bon vieux prêt à taux fixe » n'est pas la solution.
Dans un monde où les marchés de capitaux sont volatils et où les taux d'intérêt ne se fixent plus de façon administrée, il faut rappeler que si les collectivités territoriales n'avaient pas opéré pour leur grande majorité des opérations de renégociations ou d'échanges de taux d'intérêt (swap de taux), elles auraient fait supporter à leur budget et leurs administrés un surcoût croissant pour leurs emprunts à taux fixes en période de baisse des taux.
Troisièmement, un emprunt dont le taux de référence est un taux variable ou fixe ne peut s'apprécier qu'une fois le coût total et le coût relatif connus, c'est-à-dire comparé à l'ensemble des taux de marché sur toute la période (taux de la collectivité moins taux des emprunts d'État).
Les collectivités avaient donc le droit de s'endetter à taux variable, fussent-ils indexés sur des devises hors euros, des indices boursiers ou d'autres indices exotiques...
Pour autant, les responsables des collectivités devaient lire et comprendre les références sur lesquelles ils allaient faire s'endetter leur collectivité.
Bon nombre de collectivités ont délibérément choisi de reporter sur les générations futures les charges d'intérêts, ce qui peut ouvrir des recours contentieux contre les décideurs publics.
Aucun procès n'a été fait à aucune collectivité qui aurait décidé de rester en taux fixe dans une période de taux très élevés alors que, jour après jour, ces emprunts s'avéraient beaucoup plus coûteux que ceux qui pouvaient être contractés dans la baisse des taux d'intérêt.
Enfin, lorsque l'on photographie des hausses de taux importantes comme c'est le cas actuellement, on oublie de rappeler que ces mêmes taux d'intérêt étaient parfois égaux à zéro pendant un certain nombre d'années et qu'en période d'euro fort, certains indices contre franc suisse, par exemple, permettaient de payer année après année beaucoup moins d'intérêts.
S'il faut rechercher une responsabilité des banques, c'est en analysant les marges qu'elles ont réalisées sur ces opérations, les rémunérations qu'elles ont distribuées à leurs commerciaux et qui peuvent apparaître disproportionnées dans un échange marchand équilibré.
Il n'en reste pas moins qu'il faut rester mesuré : la somme des taux d'intérêts payée par les collectivités locales françaises est inférieure à 5 % de leur budget total de fonctionnement. Il appartiendra, tout de même, à la Direction générale des collectivités locales d'établir des recommandations d'endettement via l'Agence créée :
- Les emprunts doivent être libellés en euros et indexés sur des taux en euros.
- Sont exclues les références sur les indices non corrélées à l'activité des collectivités (seul l'indice inflation est autorisé, tous les autres comme le pétrole, les actions, les changes... sont exclus).
- Dans le cadre des emprunts à taux fixe ou à taux variable, il conviendra d'obtenir de la banque prêteuse une valorisation de marché trimestrielle afin d'aider les équipes élues et fonctionnaires à prendre les décisions d'ajustement qui s'imposent.
En conclusion, si les banques doivent répondre sur les produits qu'elles ont distribués, les décideurs publics devront aussi rendre des comptes sur leurs choix.
Il en va de la responsabilité de la gestion publique.
Rappelons enfin que les collectivités locales ont leur « règle d'or » : ne s'endetter que pour investir..
À méditer...
Olivier Régis
L'auteur, président délégué du Forum pour la gestion des villes, propose des nouvelles règles de conduite pour éviter à l'avenir le surcoût croissant de l'endettement de certaines collectivités locales.
Synthèse de la dette de la ville d'Argenteuil de 2000 à 2010
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